lundi 14 juillet 2008

SUITE TOUJOURS...........


Je me rend tout à coup compte que je lui parle marocain, tout naturellement, j’ai la musique et le son de ma langue adoptive, l’émotion vient sans doute de faire sauter le barrage de mes dernières résistances, mes dernières pudeurs. J’hésite encore, le verbe est tremblant. L’adjectif timide, je suis encore convalescent de 42 ans de sevrage, mais plein de mots nouveaux resurgissent (ecris phonétiquement)
Chejar (l’arbre
L’Rude (le bois)
Jdid (neuf)
Arjar (cailloux)
Lhai (la bas)
Et d’autres. Un mot revient et c’est une phrase qui se bouscule avec lui. Avec toujours le même procédé. En premier le son, la musique du mot, et puis il vient naturellement se présenter pour que je l’utilise.
De la maison il ne reste aussi que les fondations, c’est logique, nous logions dans un petit cabanon en bois. J’explique à chacun les pièces, là, la cuisine. Là, le frigo au pétrole car nous n’avions pas l’électricité, nous étions en 1954. Le soir c’était toujours ma mère qui montait sur une chaise pour allumer les petits réverbère à gaz suspendu au mur. Là, la chambre, là………
« Mais là regardez bien la cour en ciment, une fois en France je vous montrerai une photo, sur cette cour, un bambin à poil qui semble bien heureux, et une autre, ou ce cher bambin drague (déjà ?) Une gamine. »
Je jubile tout est en place, tant pis pour les murs disparus, les fleurs elles sont toujours là pour témoigner de ce passé. Je ne suis pas déçu, certains pleurent leur passé, je ne suis pas de ceux là. Certains pieds noirs ont la salle habitude de critiquer trop facilement ce que les marocains ont fait de l’héritage français. Il ne faut tout de même pas oublier aussi que c’est avec la sueur et les bras des Marocains que cela fut possible. Moi j’ai décidé d’être heureux, juste d’avoir mis mes pas dans ceux d’autrefois. Quand à la critique, je la laisse au bien pensant ceux qui savent tout sur tout, et qui n’ont rien compris à l’histoire de ce pays. J’ai trop souvent entendu la phrase :
« Si vous saviez ce qu’ils ont fait de notre propriété un vrai désastre !!!!!! Je ne peux y retourner pour ne pas avoir mal »
Moi je leur dit que s’ils ne veulent pas retourner vers leur passé c’est qu’il en ont honte, ou bien qu’il n’est pas celui qu’ils nous racontent. Je me demande : Ont-ils été des civilisateurs ou des colonialistes ? Je pense aussi que la décolonisation marocaine, ou si vous préférez le terme officiel, la « fin du protectorat » Marocain est un vrai gâchis. Les autorités Marocaines notamment le roi Mohamed v le grand guide de ce peuple demandait à ce que les français restent après l’indépendance de 1956, Mais comme dans tant de pays des radicaux souhaitaient un départ plus rapide comme celui d’Algérie de 1962. Les attentas sanglants se multiplièrent, les européens prirent peurs, et chacun leur tour sont rentrés au pays devenant ainsi des rapatries. J’ecris , mais moi aussi je ne sais rien, c’est juste un avis très personnel.

mardi 8 juillet 2008

LA SUITE................................

Comme dans mon Aude adoptive quand je visite des châteaux cathares, je ne vois pas les ruines, mon imagination me suffit. Je vois les cathares en haut des murailles d’un château en effervescence, je vois Simon de Montfort le traître qui tente l’assaut. J’ai vu le bûché de Montségur ou 200 parfaits se jetterent dans les flammes, refusant de renier leur religion…….je vois encore…………..je revois l’usine et la noria de camion qui venaient déverser leurs grains de soleil, je vois les photos en noir et blanc que m’a laissé papa, pas de photos de l’usine, mais moi petiot 4 à 5 ans, elles défilent et je cherche là ou elles ont bien put être prises. Quand je pense avoir deviné, j’y dépose délicatement mes pieds d’adulte, et la vie se passe. Un bon de plus de 40 ans dans l’histoire, le lien est fait, je suis venu pour cela, uniquement cela. Je voulais mieux connaître et mieux comprendre mon père, vivre par contumace ce qu’il avait vécu, là ou il avait vécu, juste pour comprendre et savoir pourquoi nous avons quitté un jour ce pays. Mais aussi comme beaucoup je suppose retrouver ses racines, celles qui je crois font la différence entre le bien et le mal en ébauchant définitivement et profondément votre futur.
Des gosses s’approchent. Des touristes qui visitent une usine délabrée c’est bizarre, et très rare. Ils m’observent, un deux, trois quatre cinq dix vingt, au moins 20 gosses, plutôt 20 paires d’yeux interrogateurs m’observent, m’épient, me questionnent à distance respectable.
Je rompt le silence qui nous sépare, je m’approche vers l’un d’eux assis sur un mur, il est plus grand que les autres c’est peut être le chef, je lui dit en marocain
« Ça c’est l’usine de mon père quand j’étais petit »
Je suis le premier étonné, sans doute ais-je commis pleins de fautes de grammaire, mais il m’a compris, les mots son venus tout seuls, la musique en premier traçant le chemin des mots. « C’est vrai ?» Me répond il.
« C’est vrai ! Et en bas c’était ma maison, elle était en bois »
Je l’ai convaincu, alors il me prends en main, il connait cette usine comme sa poche, mieux, il n’a aucun mal à m’expliquer comment elle fonctionnait à l’époque de sa splendeur. La mémoire collective continue de traverser le siècle. Il me montre le pont bascule, du moins la fosse, la bascule a disparue. Il m’explique que les camions pesaient les olives ici avant de décharger là dans la fosse, de ça je m’en souviens parfaitement, puis les olives se vidaient par une trappe sur les meules géantes qui écrasaient les olives. En contre bas les ouvriers recouvraient les nattes de ce mélange écrasé pour le disposer sous les énormes presses, qui ensuite, lentement, avec douceur extrayaient l’huile qui coulait dans une cuve de décantation. Nous descendons, il me montre les deux cuves en ciment, enfouies sous nos pieds.
Tout le système est mécanique et génial. Papa a utilisé la pente naturelle pour concevoir l’usine. Au plus haut les olives vierges, au plus bas l’huile dans les cuves, que les camions venaient charger par gravitation.
C’est exactement comme cela qu’il me racontait parfois, pas bien souvent sa vie à Douirane. Comme les gens humbles, et à fort caractère, ce n’était pas un bavard mon père. Il fallait vite saisir les quelques mots qu’il lâchait, comme des perles rares. Tout est là a sa place au millimètre, je suis très fier de moi, je suis né dans la maison en bas, et je n’avais que 5 ans quand nous avons quitté ce lieu. C’est exactement comme je l’imaginais, c’est tout comme je le vis dans mes rêves et dans le livre que je viens de terminer
Il y a maintenant au moins 30 gosses autour de nous, ils me parlent m’entourent, aucun ne mendie quoi que ce soit, ils questionnent, ils veulent tout savoir, jouent dans les ruines, c’est tout.
Je descends le petit chemin pour me retrouver au pied de ma maison, la pente que je trouvais fort pentu gamin n’est qu’un petit rédillion. C’est là que vers mes 4 ou cinq j’aurai fait une chute de poussette. On m’a raconté cet épisode épique de ma jeunesse. Elle aurait dévalée la descente pour se retourner en bas. Je m’en sort sain et sauf, mais bariolé de mercurochrome rouge, depuis ce jour, me vint le doux et poétique surnom de « peau rouge »
Un ouvrier, juste derrière la maison coupe de l’Avoine à la serpe. Je l’aborde et lui raconte mon histoire. Lui aussi connaît bien la vie de cette usine il me demande :
« Alors c’est toi alors le français de la zizine » (l’usine en phonétique marocain)
« Non, c’était mon père »
« Quand ton père était là, l’usine faisait du bien au alentour, tout le monde se souviens de l’usine du français et du juif »
Il ajoute
« Tu te souviens des arbres immenses, des oliviers qui entouraient ta maison ? Tu as vu ils sont morts et aujourd’hui ce ne sont des rejets qui poussent »
Je ne me souvenais de ce détail, c’est même là que j’ai pris ma première cuite, si !si a 5 ans. J’ai terminé les aperos des grands, et sous les arbres en arabe je traitais le fils de notre invité le jeune fils Verjus de fils de P……. Pour vous dire si mon vocabulaire arabe était complet. J’ai envie de craquer, mais je m’étais promis que non, alors je demande poliment à mes larmes de ne pas se dévoiler, elles acceptent, elles comprennent et se retirent pudiquement.

(A SUIVRE......)

mercredi 2 juillet 2008

Marrakech-Agadir (suite)



« A Douirane il y a une usine d’huile d’olive en ruine elle appartenait au français et au juif »
Je frémis. Cela pourrait correspondre, bien que je ne sache pas trop ce que le juif vient faire au milieu de mon usine. Papa ne m’en avait jamais parlé, bien qu’il a toujours eu d’excellentes relations aussi avec les juifs du Maroc, qui souvent étaient les banquiers du pays. Sans doute était il le propriétaire, car papa n’en était lui que le directeur
Demi tour vers Douirane à seulement quelques km. Sur place je demande à quelques personnes assises à une terrasse. Même histoire, une usine….. Celle du français et du juif…….. Ils n’hésitent pas très longtemps, l’un d’eux m’indique.
Devant mes yeux interloqués de crédulité, qui ne comprend rien à son explication moult fois répétée, il se propose de m’accompagner. Il monte dans la voiture et je tente de lui parler un peu, du temps, et de l’usine, il dit oui à tout ce que je dis, je comprends rapidement que je dois améliorer ce fichu vocabulaire Marocain. On descend vers le bas du village, vers la mosquée qui pointe son doigt vers le ciel comme pour me dire « vient par ici ! » Un dernier virage, notre guide n’a pas le temps de me dire quoi que ce soit, j’exulte, l’usine !!!!
« C’est elle, il n’y a pas de doute », je comprends soudainement la fébrilité de Christophe Colomb, découvrant l’Amérique.
Je remercie mon guide avec dans les yeux toute la jubilation du découvreur de cité perdue. Je ne sais plus ce que je dois faire pour le remercier. Je tente la même expérience qu’avec le vieux de tout a l’heure, il refuse, j’ai beau tout tenter, il refuse, et s’en retourne à pied vers sa maison. Je suis là comme un con de français qui ne comprend plus rien à ces gens. Et j’enrage ! Ni à moi-même d’ailleurs ! La leçon de tout à l’heure ne m’a pas suffit. Faudra bien que je me fasse expliquer comment cela fonctionne.
Quand un marocain demande ou mendie, on nous recommande de ne rien donner, du moins de l’argent, et cela me semble judicieux. Bien que je ne tenterai pas la thèse philosophique de l’argent vite est mal gagné. Allez expliquer cela à celui qui a faim. Mais quand un marocain vous rend service sans rien demander comment le remercier ? J’ai vite compris la leçon, d’abord et tout simplement le remercier avec le cœur, il saura vous comprendre. S’il a des enfants un cahier et des stylos, c’est le plus beau et utile des cadeaux. Souvent aussi l’inviter à boire un verre de thé en toute amitié pour lui faire remarquer que vous avez apprécié son geste, ce signe simple est un geste qu’il apprécie. Je pense. Au secours DR Mouhib et S.Abdelmoumene expliquez moi !!!
Douirane, l’usine, elle est là ! Devant moi ! En ruine certes, les toits ont disparus. Sans doute servent ils aujourd’hui à des gens par là qui sont venu les démonter pour en profiter un peux. C’est bien, et c’est juste, papa aurait aimé cela plutôt que de les voire entièrement effondrés.
Douirane, il n’y a pas de mot pour m’exprimer, je ne retrouve même pas mes larmes, trop sèches. Et puis je n’ai pas envie de me plaindre sur mon passé. Je suis heureux de vivre ce présent.
Douirane, il n’y a pas de mots, je ne retrouve que la gorge sèche
Douirane, il n’y a pas de mot c’est dedans que tout se passe
Douirane, je fixe devant moi cette immense carcasse déshabillée et maquillée par le temps de graffiti en trois langues, Marocaine, Française et Anglais. Impudique devant moi, honteuse de se montrer sous ce jour, moi son fils qui buvait jadis sous son ombre, son huile nourricière.
(PS si vous voulez d'autres photos double cliquez sur le diaporama)
a suivre!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!